Les personnes qui souffrent d’une maladie rare sont elles-mêmes loin d’être rares! Elles constituent 6 à 8% de la population. RaDiOrg est l’organisation coupole belge qui chapeaute toutes les associations de patients atteints de maladies rares. Sa mission? Faire en sorte que la voix de ces patients soit entendue des décideurs et des responsables politiques. Guider les personnes atteintes de maladies rares par des informations claires. Et faire connaître les activités organisées à leur intention.

L’ambition ne manque pas, surtout chez la présidente, Ingrid Jageneau. Mais qu’est-ce qui amène une personne à s’engager dans une organisation réunissant des affections si hétérogènes qu’il y a de quoi s’y perdre? Et quels sont leurs intérêts communs? Laissons à Ingrid Jageneau, présidente inspirée et passionnée, le soin de nous l’expliquer.

Ingrid, qu’est-ce qui vous rattache au monde des maladies rares?

“Mon implication dans RaDiOrg découle de mon travail chez DEBRA, l’asbl que nous avons fondée en 1998 pour les patients atteints d’épidermolyse bulleuse (E.B.). Ward, le plus jeune de mes deux enfants, est né en 1985. Très vite, on lui a diagnostiqué cette maladie rare de la peau, où le moindre frottement provoque l’apparition de bulles. Nous n’avons pas reçu beaucoup plus d’informations. La vie de Ward n’étant pas en danger, les médecins ne s’intéressaient pas à son cas. Je devais “tirer mon plan”. Pas de plan de traitement, pas d’accompagnement, pas de remboursement, rien.”

 “Chaque matin, mon mari et moi devions soigner les cloques de Ward: piquer, presser, désinfecter et appliquer un pansement. C’était terrible de devoir faire souffrir ce pauvre petit. Un jour, il avait si mal que je ne pouvais pas le prendre dans mes bras sans lui arracher des cris. J’ai téléphoné au professeur de dermatologie qui suivait Ward. Il m’a rappelé qu’il s’agissait d’une maladie rare. Qu’il n’y avait rien à faire.”

Dans l’intervalle, la situation des patients E.B. en Belgique a beaucoup évolué. Il est désormais possible d’obtenir un remboursement pour les pansements nécessaires aux soins des plaies et, en attendant la création d’un centre d’expertise officiel, DEBRA a investi dans des soins spécialisés pour les patients E.B. à l’UZ Leuven, où ils peuvent compter (fût-ce officieusement) sur une équipe pluridisciplinaire.

Avant d’en arriver à la reconnaissance officielle d’un centre de référence pour l’E.B., les autorités belges ont encore du pain sur la planche. La création de nouveaux centres d’expertise pour diverses maladies rares est un des objectifs inscrits dans le plan belge pour les Maladies Rares, auquel RaDiOrg a contribué. Ce plan date de 2014, mais, entre le rêve et la réalité, le plan et son exécution, les obstacles abondent.

Comment vous êtes-vous retrouvée impliquée dans RaDiOrg?

“Avec DEBRA, nous avons participé à un événement de la LUSS (Ligue des Usagers des Services de Santé) à Namur. RaDiOrg y était aussi. C’était encore une toute jeune organisation qui cherchait à se profiler. Comme j’étais au courant de sa présence, j’ai demandé à ce que le stand de DEBRA soit installé à proximité, parce que j’étais d’ores et déjà convaincue que nos deux associations devaient collaborer. Autant que je m’en souvienne, c’est de là que tout est parti.”

“Je suis devenue membre du conseil d’administration en 2010 et je suis présidente depuis 2012, chaque fois avec un mandat de 2 ans. Aujourd’hui, mon rêve est de développer RaDiOrg en une organisation professionnelle, avec son propre personnel et une voix dans tous les organes et ministères en rapport avec les soins de santé en Belgique.”

Qu’est-ce qui vous a poussée à passer de votre engagement pour la maladie qui a touché votre famille à un engagement envers toute les personnes frappées par une des plus de 6000 maladies rares répertoriées?

“Dans notre recherche de soins adaptés pour Ward, nous nous sommes longtemps sentis perdus. Il nous a fallu des années pour découvrir à l’étranger une expertise plus poussée que dans la Belgique de l’époque. Nous avons affronté beaucoup des obstacles rencontrés par les personnes avec une maladie rare: vivre avec une maladie que personne ne connaît, pour laquelle il n’existe pas de traitement valable et qui ne suscite parfois que peu d’intérêt de la part des médecins. De plus, dans bien des cas, il faut affreusement longtemps pour obtenir un diagnostic, ou bien les traitements disponibles sont impayables. C’est pourquoi, selon nous, les maladies rares nécessitent une politique spécifique.

Tout patient doit avoir un point de chute, au lieu d’errer en quête d’un expert capable de lui apporter diagnostic, traitement et information. Le slogan qui figure sur les dépliants de RaDiOrg exprime aussi une de mes convictions: “Aucune maladie n’est trop rare pour ne pas mériter l’attention!”

Vous êtes très convaincue de l’importance de la coopération internationale?

“Absolument. De bons réseaux de connaissances internationaux sont cruciaux pour aboutir aux soins adéquats en ce qui concerne les maladies rares. Car, précisément à cause de leur rareté, il est absurde d’espérer trouver toujours l’expertise la plus pointue dans son propre pays, et a fortiori sa propre région. C’est pourquoi le développement des ERN (European Reference Networks) par l’Union européenne est d’une importance capitale. Eurordis (l’organisation européenne des maladies rares) a été un des moteurs de cette décision politique.”

Pouvez-vous donner quelques exemples d’intérêts communs à des personnes atteintes de maladies aussi éloignées les unes des autres que les maladies du tissu conjonctif et la sclérose tubéreuse de Bourneville?

“Il y en a beaucoup: le développement de réseaux de référence et de centres d’expertise, si nécessaire l’accès aux soins à l’étranger, la communication avec le patient, un conseil génétique pertinent, le développement de dossiers patients pluridisciplinaires électroniques, l’attention à ce qu’on appelle les ‘unmet needs’ ou besoins médicaux non rencontrés (souvent négligés en raison de la complexité d’une affection), etc.”

La passion et la connaissance avec lesquelles Ingrid Jageneau plaide sa cause sont très inspirantes. Mais elle, qui est sa source d’inspiration, qu’est-ce qui la pousse à poursuivre ses efforts?

“Pour moi, l’affirmation du directeur général d’Eurordis, Yann Le Cam, “everybody deserves a home” résume notre objectif de façon chaleureuse et inspirante.”

En 2009, l’affiche de la Journée internationale
des maladies rares mettait en vedette une patiente
atteinte d’E.B., la petite Merel. Depuis lors, Merel
est décédée des suites de sa maladie.